VTC Director Dr. Robert Noland was recently cited in the Quebecois publication La Presse.
Démystifier la science
Plus on ajoute de voies, plus il y a de voitures
Chaque semaine, notre journaliste répond aux questions scientifiques de lecteurs.
Publié le 31 août
Mathieu Perreault
La Presse
Est-il vrai que lorsqu’on élargit une autoroute, la congestion revient au même niveau après quelques années ?
Maude Martin
Oui, ajouter des voies routières attire plus de voitures et perpétue la congestion, selon quatre chercheurs qui ont étudié cette question au Canada et aux États-Unis. C’est ce qu’on appelle le « trafic induit ».
Quand on ajoute des voies de circulation, « si conduire devient plus facile parce qu’il y a moins de congestion, les gens vont être plus susceptibles de prendre la route », explique Susan Handy, ingénieure civile et professeure de sciences de l’environnement à l’Université de Californie à Davis (UCD). « Les automobilistes vont par exemple aller magasiner, aller au restaurant ou au cinéma, aller visiter quelqu’un, plutôt que d’éviter de prendre la route à cause de la congestion. »
À court terme, il peut donc y avoir un effet positif sur l’économie.
Certains pourraient décider de déménager plus loin de leur lieu de travail, où les propriétés sont moins chères, s’ils s’attendent à pouvoir facilement faire l’aller-retour en voiture.
Mais ces effets potentiellement bénéfiques sur l’accès au logement et sur l’activité économique ne durent pas, puisque la congestion finit par revenir.
De plus, les bénéfices temporaires sont entièrement annulés par l’impact environnemental de l’étalement urbain, selon Robert Noland, de l’Université Rutgers, au New Jersey, qui étudie la question depuis 30 ans.
Le trafic induit par l’agrandissement d’une autoroute n’est bénéfique sur le plan économique que si on néglige les coûts environnementaux de l’automobile.
Robert Noland, expert l’Université Rutgers
Si les automobilistes devaient payer des frais pour compenser les coûts de la pollution atmosphérique et des changements climatiques provoqués par les véhicules à moteur, ils ne prendraient pas leur voiture pour profiter de la congestion moins grande, fait remarquer M. Noland. De plus, « s’il y a par exemple de l’espace pour une voie ferrée le long de l’autoroute, il est moins cher de transporter les gens par transport en commun que d’élargir une autoroute », dit-il.
Susan Handy a mis au point un « calculateur de trafic induit » permettant de prévoir l’augmentation de la congestion générée par l’agrandissement prévu d’une autoroute.
Le calculateur donne ses résultats en fonction du réchauffement de la planète. Par exemple, élargir une autoroute sur 30 km près d’Albany générerait de 80 à 120 millions de véhicules-kilomètres supplémentaires par année, ce qui équivaut à 0,2 à 0,8 million de tonnes de CO2, soit les émissions annuelles de gaz à effet de serre de 6700 voitures.
Consultez le calculateur de trafic induit de l’UCD (en anglais)
utre élément qui contribue au trafic induit : les ménages sont plus enclins à s’installer en banlieue parce qu’ils sous-estiment leurs coûts de transport, rappelle Todd Litman, qui dirige l’Institut des politiques de transport de Victoria, en Colombie-Britannique. « Souvent, les logements coûtent moins cher dans les banlieues éloignées, mais on ne tient pas compte du coût que représente le fait d’avoir deux ou trois voitures », note-t-il.
Une autoroute à 20 voies à Houston
M. Litman a récemment publié une analyse des coûts du logement dans 22 villes américaines, en tenant compte des frais de transport. « Houston est souvent cité en tant que ville dont la population augmente beaucoup sans que le prix des logements y soit tellement élevé, mais quand on tient compte des coûts qu’entraîne le fait de posséder des voitures et de se déplacer sur de grandes distances chaque jour, ce n’est plus le cas », dit le chercheur. Houston arrive en effet au quatrième rang des villes où le logement coûte le plus cher aux États-Unis.
Catherine Morency, spécialiste des transports de Polytechnique Montréal, confirme que l’exemple de Houston est souvent cité par les chercheurs qui travaillent sur le « trafic induit ». « On parle souvent de la Katy Highway de Houston, qui a plus de dix voies dans chaque direction, mais est toujours congestionnée. C’est une démonstration par l’absurde », fait-elle remarquer.
La chercheuse montréalaise travaille sur un outil destiné à aider les municipalités à choisir où aménager les quartiers résidentiels, qui permettrait aussi aux ménages de choisir où s’établir, en tenant compte des coûts de transport et d’habitation. Cet outil comportera plusieurs volets pour les différentes clientèles.
Mme Morency ajoute que l’élargissement des autoroutes, en favorisant l’étalement urbain, crée des « iniquités spatiales ». « Les gens [de la banlieue] qui viennent travailler en ville en voiture créent de la congestion et de la pollution en ville », que doit subir la population urbaine. « C’est un peu comme si on apportait nos déchets avec nous pour les laisser près de notre travail », illustre-t-elle.
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